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Bangladesh: au moins 39 morts dans les manifestations contre les violences policières, la TV d'État incendiée

  • Photo du rédacteur: Ludeny Phedjyna Eugene
    Ludeny Phedjyna Eugene
  • 20 juil. 2024
  • 4 min de lecture

Au Bangladesh, les manifestations étudiantes se sont poursuivies jeudi 18 juillet. Le bilan officiel des victimes a grimpé à 39 morts. Au moins 1 000 personnes ont été blessées. Le siège de la télévision publique, un poste de police et plusieurs bâtiments gouvernementaux ont été incendiés et le réseau internet mobile est coupé. RFI a pu recueillir des témoignages d’étudiants ayant manifesté ce jeudi contre un système de quotas d'embauche dans la fonction publique.


« C'est un désastre, l'un de mes proches est mort. La police ne nous laisse pas aller le voir… » Cette étudiante, qui préfère rester anonyme, a participé aux premières manifestations dans sa ville à 80 kilomètres de la capitale, Dacca. Sans détours, elle dénonce la violence des forces de l’ordre auprès de Nicolas Rocca, journaliste au service International de RFI. « La police ouvre le feu, tue les enfants qui vont à l'école. Elle n'épargne personne ! Les policiers tirent et envoient des cocktails molotov ! »


Au moins 39 personnes ont perdu la vie depuis le début des manifestations. Les armes « non létales » de la police sont à l'origine de plus des deux tiers de ces décès, selon les descriptions fournies à l'Agence France-Presse (AFP) par les hôpitaux.


Les corps de trois étudiants et d'un chauffeur de pousse-pousse ont été transportés dans l’hôpital Kuwait Moitri de Dacca. « Ils ont été blessés par des balles en caoutchouc », a déclaré à l'AFP sa directrice adjointe, Mahfuz Ara Begum. « Plus de 150 étudiants sont également soignés ici. La plupart ont été touchés par des balles en caoutchouc aux yeux », a-t-elle ajouté.


L’hôpital Uttara Crescent de Dacca compte, lui, « sept morts », indique sous le couvert de l'anonymat un responsable. « Les deux premiers étaient des étudiants avec des blessures par balle en caoutchouc. Les cinq autres présentaient des blessures par balle d'armes à feu », a-t-il précisé. Un millier d'autres personnes ont été soignées à l'hôpital pour des blessures subies lors d'affrontements avec la police, a indiqué ce responsable. Didar Malekin, du média en ligne Dhaka Times, a déclaré que Mehedi Hasan, l'un de ses reporters, avait été tué alors qu'il couvrait les affrontements à Dacca.


Par ailleurs, des centaines de manifestants ont débordé la police anti-émeute qui leur avait tiré dessus avec des balles en caoutchouc. Ils ont pourchassé des policiers qui se sont réfugiés au siège de la chaîne BTV. La foule en colère a incendié le bâtiment d'accueil de la chaîne ainsi que des dizaines de véhicules garés à l'extérieur, a déclaré à l'AFP un responsable de BTV sous couvert d'anonymat.


Selon un communiqué de la police de la capitale Dacca, les manifestants ont également mis le feu jeudi à plusieurs bâtiments du gouvernement. « Des mécréants ont déjà incendié, vandalisé et mené des activités destructrices », notamment l'agence nationale de gestion des catastrophes, ainsi que contre des édifices de la police et du gouvernement, précise le communiqué.


Au moins 104 policiers et 30 journalistes ont été bléssés, a rapporté la chaîne de télévision privée Independent Television. 


Des hélicoptères ont par ailleurs secouru jeudi 60 policiers coincés sur le toit d'un campus de l'Université canadienne, théâtre de violents affrontements dans la capitale, a indiqué dans un communiqué le Bataillon d'action rapide.


« Ce gouvernement doit démissionner »


La Première ministre Sheikh Hasina, qui dirige le pays depuis 2009, a condamné mercredi le « meurtre » des manifestants dans un discours télévisé et a promis que les responsables seraient punis quelle que soit leur affiliation politique. Mais cela n'a pas suffi. La violence s'est aggravée alors que la police tentait à nouveau de disperser les manifestations.


Protestant de manière quasi quotidienne depuis lundi 15 juillet, les étudiants exigent la fin du système de quotas, perçu comme un privilège pour les membres du régime, rapporte notre correspondant régional, Côme Bastin. L’opposition y voit une discrimination et une preuve de plus de l’autoritarisme de la cheffe du gouvernement.


Ces quotas avaient été suspendus en 2018 après de premières manifestations. Leur retour en juin 2024 a mis le feu aux poudres et signe la défiance des opposants à l’égard de la Première ministre. « Ce gouvernement autocratique et non démocratique doit à un moment démissionner, indique à RFI un étudiant de 23 ans en management des entreprises à Dacca, sous couvert d’anonymat.Je ne sais pas si ces manifestations sont un appel à la démission, mais c'est la bonne chose à faire ».


Le jeune homme a participé aux rassemblements à Dacca ce jeudi et parle à RFI alors qu’il s’est réfugié chez une personne, d’où il entend « des sons de grenades et de tirs juste derrière » la fenêtre. « Pour l'instant, notre approche est défensive, pas offensive, avance-t-il. La police et l'armée nous attaquent. Nous voulons juste manifester et quand ils veulent nous pousser, nous nous défendons. »


Face à l'impossibilité d'organiser un rassemblement pacifique, poursuit l’étudiant, il leur a été « conseillé de [se] disperser et de manifester où c'était possible ». Mais « avant même le début », dénonce-t-il, « les forces de l’ordre ont lancé du gaz lacrymogène. Les gros bras du gouvernement attaquent tout le monde sans distinction et sans relâche », assène-t-il.


L’ONU appelle à la retenue


Les habitants ont signalé jeudi des coupures d'internet mobile dans tout le pays, deux jours après que les fournisseurs d'internet ont coupé l'accès à Facebook, la principale plateforme d'organisation de la campagne de protestation.


Les rares témoignages sont envoyés par Wifi.

Le ministre adjoint des Télécommunications, Zunaid Ahmed Palak, a déclaré que le gouvernement avait ordonné la coupure du réseau pour éviter « des rumeurs, des mensonges et de la désinformation ».


Parallèlement à la répression policière, les manifestants et les étudiants alliés à la Ligue Awami au pouvoir de la Première ministre, se sont également affrontés dans les rues à coups de briques et de tiges de bambou.


Amnesty International a déclaré que des preuves vidéo des affrontements de cette semaine montraient que les forces de sécurité bangladaises avaient agi en dehors du cadre de la loi. Le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, appelle, lui, toutes les parties à la retenue. « Nous exhortons le gouvernement à garantir un environnement propice au dialogue.


Et nous encourageons les manifestants à engager le dialogue pour sortir de l'impasse », a-t-il déclaré aux journalistes. « La violence n'est jamais une solution. »

 
 
 

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