En Haïti, la situation est «vraiment alarmante» selon Médecins sans frontières
- Ludeny Phedjyna Eugene
- 29 mai 2024
- 3 min de lecture

Haïti attend toujours le déploiement des premiers policiers kenyans pour tenter de rétablir la sécurité dans la capitale Port-au-Prince, ravagée par les gangs. Leur arrivée est prévue dans « un horizon de trois semaines », estimait samedi 24 mai, le président kenyan William Ruto dans une interview à la BBC. En attendant, ces gangs armés multiplient les démonstrations de force en détruisant des bâtiments officiels comme des postes de police tombés entre leurs mains. L’insécurité met en péril les opérations de Médecins sans frontières (MSF) qui n'a pas pu importer de médicaments et de matériel médical depuis mi-mars. L'ONG lance un appel pour faciliter l'acheminement de ces matériels et médicaments à la population. Mikaël Ponge s'est entretenu avec Mumuza Muhindo, chef de mission MSF en Haïti.
À qui s’adresse l’appel que vous lancez ?
Mumuza Muhindo : Cet appel s’adresse à toute personne qui a la capacité de laisser libre accès à l'aéroport et au port de la capitale. Certaines structures sanitaires ont des médicaments bloqués au niveau du port, mais elles n'y ont pas accès pour pouvoir les récupérer. Le peu de médicaments disponibles risque donc de se détériorer parce qu'ils ne sont plus conditionnés dans les normes.
Que demandez-vous aux douanes ?
Mumuza Muhindo : Nous demandons aux douanes d'assouplir le processus de dédouanement, parce que le processus est long et élastique. Nous demandons aussi à tous ceux qui sont actifs dans le conflit, de faciliter le travail de la douane parce que les douaniers eux-mêmes ont besoin de sécurité pour pouvoir fonctionner. Cela signifie que les douaniers puissent se présenter au port sans être inquiétés, qu’il y ait un accès facile à l'aéroport pour que les médicaments puissent être acheminés rapidement, car le besoin est énorme.
Aujourd'hui, la source d'approvisionnement rapide, c’est la voie aérienne. On a donc besoin que l'aéroport puisse rouvrir facilement et rapidement et que l'accès y soit facile et sans inquiétude.
On veut que les ports maritimes soient aussi fonctionnels et d'accès facile, pour que non seulement les cargos qui viennent de l'extérieur, mais aussi la nourriture qui vient des provinces, puissent arriver dans cette capitale qui est étranglée et manque de tout.
Ces derniers jours, il y a quand même eu une timide reprise, tant au niveau de l'aéroport que du port. Est-ce que cela vous laisse espérer une amélioration de la situation ?
C'est encore trop insuffisant parce que le niveau d'accès aux services de soins de santé à Port-au-Prince est très alarmant. Il y a uniquement 20% des structures de santé qui fonctionnent normalement. Les quelques structures sanitaires qui fonctionnent le font en capacité très réduite à cause de l’insécurité et du manque de ressources financières, mais aussi par manque de personnels de santé qui peinent à se présenter sur leur lieu de travail. À cela s'ajoute justement le manque de médicaments parce que les stocks sont insuffisants et les matériels ont été pillés.
Cela freine-t-il vos capacités d’action ?
Nous estimons que, ce que l’on fait aujourd'hui, c'est peu par rapport aux besoins de la population. Si on prend seulement les mois de mars et avril 2024, nous avons fait au moins 9 025 consultations externes à travers des cliniques mobiles, parmi lesquelles on a soigné 4 966 cas urgents, dont 870 blessés par balle, majoritairement des civils qui attrapent des projectiles ou balles perdues. Ce sont des femmes, des enfants et même des personnes du troisième âge qui ne sont pas épargnées. On a soigné 740 victimes d'accidents de la route parce que les gens qui laissent leur maison partent par précipitation, et cela entraîne de nombreux accidents.
Nous recensons aussi, chaque semaine, des dizaines de victimes de viols. C'est une situation vraiment alarmante.
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