Droits des femmes et acte de gouvernance ?
- elmano endara joseph
- il y a 39 minutes
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L’adoption, en Conseil des Ministres, du décret révisant celui de 22 décembre 2005 portant organisation et fonctionnement du Ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes ne semble pas relever d’un simple ajustement administratif, mais s’inscrit, dirait-on, au contraire, dans un moment politique chargé de symboles et de responsabilités, où l’État ayitien décroche la prétention pour tenter de renouer avec la cohérence institutionnelle et la légitimité de l’action publique. En félicitant le Conseil présidentiel de transition et le Gouvernement, le MCFDF, dans sa note officielle, ne se contente pas d’un exercice protocolaire, mais souligne une décision qui touche au cœur même de la gouvernance démocratique et de la reconnaissance pure et simple des droits fondamentaux.
Ce décret, longtemps en attente depuis sa soumission en 2022, répond à un double impératif. Il est d’une part juridique, en mettant à jour un cadre institutionnel devenu inadapté aux exigences contemporaines de l’administration publique. Il est d'autre part politique et stratégique, car il vise à renforcer la capacité d’un ministère souvent marginalisé, mais pourtant central dans la construction d’une société plus équitable. La réforme traduit ainsi une volonté affichée d’efficacité, de transparence et de performance, des notions trop souvent invoquées sans être véritablement incarnées dans l’action étatique.
Au-delà de la restructuration interne du MCFDF, ce texte engage l’État ayitien dans une perspective plus large : celle de l’intégration réelle de l’analyse selon le genre dans les politiques publiques nationales. Il ne s’agit plus seulement de proclamer l’égalité entre les femmes et les hommes, mais de la traduire en mécanismes institutionnels, en capacités opérationnelles et en responsabilités clairement définies. À ce titre, le décret apparaît comme un levier essentiel pour faire du MCFDF un acteur à part entière de la réforme de l’État, et non un simple ministère de façade. En contre partie, il reste à questionner la plausibilité de cette stratégie d'inclusion et les mécanismes clairs de suivi.
En cela, cette adoption marque une étape décisive, mais non une fin en soi. Elle ouvre un espace d’attente et d’exigence : celle de voir les principes énoncés se transformer en actions concrètes, mesurables et durables. Car si les textes fondent la légitimité, seule leur mise en œuvre confère à la parole publique sa crédibilité. Le défi est désormais clair : faire de cette réforme un véritable instrument de transformation sociale au service des droits des femmes en Ayiti.
Reste toutefois posée la question fondamentale de la faisabilité réelle de cette décision, dans un contexte marqué par l’instabilité politique, la fragilité budgétaire et la faiblesse chronique des capacités administratives. La plausibilité de la réforme dépendra moins de la solennité du décret que de la volonté politique soutenue, de l’allocation effective des ressources et de la coordination inter institutionnelle. Sans mécanismes clairs de suivi, sans indicateurs mesurables et sans protection contre les ruptures institutionnelles, le risque demeure que cette avancée demeure symbolique. L’histoire récente de l’action publique ayitienne invite à la prudence : les réformes ambitieuses y échouent souvent faute d’exécution continue, d’appropriation administrative et de reddition de comptes réelle.







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