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Bolivie: «Il y a une vraie insatisfaction au sein de la société», selon le politologue Gaspard Estrada

  • Photo du rédacteur: Ludeny Phedjyna Eugene
    Ludeny Phedjyna Eugene
  • 28 juin 2024
  • 3 min de lecture

En Bolivie, la tentative de coup d’État n’aura duré que quelques heures. Le chef de l’armée, le général Zuniga, qui avait massé des hommes et des blindés devant le palais présidentiel, a été arrêté. Les raisons de ce coup d'État et de son échec expliquées par Gaspard Estrada, politologue à Sciences Po et spécialiste de l'Amérique latine 


Même avant le coup de force du général Juan José Zuñiga, la situation était tendue en Bolivie . Le pays traverse une grave crise économique et financière accentuée par une pénurie de dollars , une crise qui a provoqué de nombreuses manifestations sociales.


« La situation politique et sociale en Bolivie est inflammable depuis déjà de nombreuses semaines, compte tenu d'une crise économique qui sévit dans le pays, d'un manque de dollars, d'une augmentation de l'inflation et donc d'une perception de cherté de la vie », nous explique Gaspard Estrada, joint par Christophe Paget, du service international de RFI.


Le gouvernement se trouvait paralysé aussi en raison d'une lutte interne contre le président Luis Arce et son ancien mentor , l’ex président Evo Morales . Ce dernier a exclu Luis Arce du parti MAS et souhaite revenir au pouvoir lors de prochaines élections en 2025. 


Il y a aussi une« très grande polarisation politique, entre le camp de Arce et le camp de l'ancien président Morales, dans un contexte préélectoral, reprend Gaspard Estrada. Il y aura des élections en 2025. Le général Zuñiga[l'auteur de la tentative de coup d'État, NDLR], qui a eu des mots de plus en plus durs à l'encontre de l'ancien président Morales et lorsque le président Arce a décidé de le démettre, compte tenu de cette réponse vis-à-vis du président, il y a eu une sorte de fuite en avant d'une partie de l'armée. Le général Zuñiga pensait qu'il réussirait à créer une coalition autour de lui pour démettre de ses fonctions le président légitimement élu et s'installer au pouvoir. Néanmoins, on a très rapidement vu qu'il était isolé. Cet isolement s'est traduit par sa défaite ».


Pourquoi Juan José Zuñiga n'a-t-il pas été suivi ? « Il n'a pas été suivi du fait de la réaction très rapide du gouvernement de Luis Arce : dénoncer la situation, procéder au remplacement des forces militaires pour délégitimer le général Zuñiga, et aussi parce qu'il n'a pas reçu le soutien des dirigeants de l'opposition, il n'a eu aucun soutien politique. Et sans soutien politique, il était clair que cette initiative a été vouée à l'échec. »


L'opposition n'a pas profité de ce coup de force pour faire tomber la présidence de Luis Arce car elle a été échaudée par le précédent de 2019, selon Gaspard Estrada, lors du coup d'État contre le président Evo Morales : à l'époque, le commandant en chef des forces armées, le général Williams Kaliman « avait appelé le président à quitter ses fonctions et l'opposition bolivienne a payé le prix de son soutien au coup d'État... depuis lors, elle cherche à se légitimer électoralement. De ce point de vue, un soutien à cette tentative de coup d'État n'aurait fait que confirmer les penchants autoritaires de l'opposition bolivienne ».


Avant d'être arrêté, le général Zuñiga a mis en cause le président Luis Arce, en disant que l'idée de l'insurrection venait de lui. Il lui aurait demandé dimanche dernier de préparer quelque chose pour remonter sa cote de popularité. On s'interroge sur le crédit à apporter à ces affirmations. « J'avoue que j'ai du mal à voir comment cela pourrait être utile au président Arce. La situation est encore floue, mais j'ai du mal à apporter du crédit à ce genre d'affirmation... » 


Luis Arce sortira renforcé de cette crise mais il va être nécessaire, après cette tentative de coup d'État de poser de nouvelles bases, dans un contexte social et économique compliqué, avec la perspective des élections l'an prochain, par exemple de « tenter d'avoir davantage de dialogue avec l'ancien président Morales. Et faire en sorte de remettre l'économie en ordre de marche, puisqu'on voit bien qu'aujourd'hui, il y a une vraie insatisfaction au sein de la société bolivienne, et c'est sur cette insatisfaction que (spéculait) cette tentative de putsch qui heureusement n'a pas fonctionné ».

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