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Argentine: le scan biométrique de l’iris en échange de cryptomonnaie pour faire face à la crise

  • Photo du rédacteur: Ludeny Phedjyna Eugene
    Ludeny Phedjyna Eugene
  • 11 mai 2024
  • 4 min de lecture

Face à la récession économique et la politique d’austérité de Javier Milei, des centaines de milliers de personnes acceptent de scanner leur iris en échange de cryptomonnaie. Derrière cette transaction se trouve Worldcoin, le dernier projet du patron d’OpenAI, Sam Altman. Grâce à la blockchain, le scan biométrique de l’iris se convertit en passeport numérique permettant aux utilisateurs de prouver leur identité en ligne, avec pour objectif de créer un réseau financier mondial et sécurisé.


En ce début d’après-midi, une douzaine de personnes attendent le portable à la main devant ce qui habituellement est une boite de nuit. « Les gens viennent se faire scanner les yeux », explique Nahuel, qui en sort tout juste. «Ils te scannent, ça ne fait pas mal, ce n’est pas désagréable, cela ne fait rien, et une fois que ton compte est validé, tu reçois 30 000 pesos tous les treize jours », détaille cet homme.


Ces 30 000 pesos - environ 30 euros au taux de change officiel - sont en réalité trois jetons Worldcoin, une cryptomonnaie dont le cours fluctue. « Ensuite, tu passes la cryptomonnaie à une application qui s’appelle Binance sur laquelle tu peux la convertir en pesos argentins », précise Nahuel.


À 23 ans, Nahuel comprend parfaitement comment fonctionnent les cryptomonnaies. Pour ce qui est de ce que Worldcoin compte faire avec les données biométriques de son iris en revanche, « ils ne l’expliquent pas, et je ne l’ai pas demandé », reconnaît-il. « Je sais que ce n’est pas bien, mais j’avais besoin de l’argent, car avec la situation économique du pays, c'est impossible de s’en sortir. Si j’allais mieux économiquement et que j’avais un travail stable, je ne l’aurais jamais fait. »


Nahuel est livreur. Il affirme passer douze heures par jour sur son vélo pour gagner 300 000 pesos par mois, l’équivalent de 300 euros. Alors que la politique d’austérité de Javier Milei a plongé l’économie argentine en récession et que l’inflation annuelle dépasse les 288%, beaucoup de gens se sont fait scanner l’iris ces derniers mois. « Un salaire minimum ne suffit pas pour payer le loyer et la nourriture, donc les gens se scannent les yeux pour arriver à la fin du mois avec quelque chose à manger sur la table », rappelle Nahuel.


L'objectif à terme : créer un réseau financier global sécurisé


À l’intérieur de la boîte de nuit reconvertie en point de collecte de données biométriques, les appareils photos ne sont pas les bienvenus, les micros encore moins. Le nôtre est dans un sac quand nous entrons dans la salle dépourvue de lumière du jour. Trois sphères couleur argent sombre tout droit sortie d’un vieux film de science-fiction sont installées à hauteur d’œil. Ce sont les « orbs », elles contiennent chacune une caméra intégrée pour scanner les iris.


Des sous-traitants de Worldcoin sont présents pour accompagner les gens et répondre à leurs questions. L’un d’eux explique qu’aucune donnée personnelle comme le nom ou le prénom n’est demandée, et que les données biométriques récoltées sont entièrement anonymes. L’objectif poursuit-il, est de créer à terme un réseau financier global sécurisé, où chaque utilisateur pourra s’identifier grâce à l’identité unique associée à son iris.


Malgré cela, à la sortie, Francisca, 76 ans, n’a pas tout à fait compris ce à quoi elle vient de se livrer : « Je vais demander à quelqu’un qui s’y connait mieux en technologie, car moi, je n’y comprends rien ! » Comme beaucoup de gens, cette retraitée a accepté de scanner son iris car elle avait besoin d’argent. Elle n’en reste pas moins inquiète de l’utilisation qui pourrait en être faite. « J’espère juste que ce n’est pas comme dans cette série où ils utilisent ces données pour te contrôler tout le temps ! »


Les activités de Worldcoin suspendues en Espagne et au Portugal


Sans aller jusqu’à un scénario dystopique, la question de la protection des données récoltés par Worldcoin suscite des inquiétudes. En mars, l’Espagne et le Portugal ont suspendu les activités de l’entreprise sur leur territoire le temps de mener l’enquête. Mi-avril, la province de Buenos Aires a également déposé un recours pour exiger des éclaircissements à la firme.


Cela ne semble cependant pas inquiéter Lucas 27 ans, qui vient lui aussi de se faire scanner l’iris. « Je me suis pas mal renseigné avant de le faire. Ce qu’ils font, c’est créer une base de données qui pour le moment n’a pas d’utilité ou de valeur. Et ensuite, selon moi et selon beaucoup de gens, l’entreprise vendra cette base de données, à des banques ou à des entités qui pourraient en avoir besoin, rien de plus. »


Le manifeste de Worldcoin indique que l’objectif final serait la mise en place d’un revenu universel. Pour plus de transparence, l’entreprise a également rendu son programme accessible en open source. Reste qu’aux États-Unis, pays d’origine de ses créateurs, Worldcoin n’a pas été autorisé à récolter des données biométriques. Et parmi les 5 millions de personnes qui ont accepté de donner leurs données biométriques à travers le monde, un million sont argentines.

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