France: dans les prisons, les détenus subissent une «double peine» avec le dérèglement climatique
- Ludeny Phedjyna Eugene
- 13 juil. 2024
- 3 min de lecture

L'ONG environnementale Notre affaire à tous a publié jeudi 11 juillet une étude appelée « Double peine : les risques climatiques et environnementaux dans les prisons françaises ». Pendant deux ans, cette association a passé au crible les 188 établissements pénitentiaires dans l'Hexagone et en Outre-mer qui accueillent près de 78 000 détenus. Autant de personnes encore plus durement pénalisés par le changement climatique, puisqu'aucune prison, même parmi les plus récentes, n'échappe aux risques climatiques.
Canicules, dégradation des bâtiments et même risque de submersion : les prisons françaises sont particulièrement vulnérables au changement climatique. Car actuellement déjà, certains détenus accrochent du linge mouillé aux barreaux pour tenter de se rafraîchir l’été : dans les cellules de 9m2, la température monte jusqu’à 39°C.
La canicule revêt pour les détenus une signification particulière, du fait de leur difficulté à accéder à une douche ou aérer leur cellule. En outre, « les cours de promenade sont souvent inadaptées en cas de périodes de fortes chaleurs, car elles sont entièrement bétonnées, sans arbres, parfois même sans auvent ou préau permettant de s'abriter », relèvent les auteurs du rapport , soulignant que « la surpopulation carcérale rend encore plus invivable une vague de chaleur ».
L'hiver n'est guère plus agréable, avec des températures en deçà de 0°C.
Résultat de l'étude : aucune prison, même parmi les plus récentes, n'échappe aux risques climatiques.
Dégradation du bâti et risques d’inondations
Autre risque lié au changement climatique : le phénomène de retrait-gonflement des argiles, qui peut dégrader le bâti. Plus de la moitié des prisons françaises sont exposées à un risque « moyen ou fort » sur ce plan. Cela peut entraîner des fissures dans les murs, des fenêtres non jointives, des ruptures de canalisation, et donc peser sur les conditions de vie des détenus, insiste l'ONG.
Plus d'un quart des prisons sont par ailleurs exposées à un risque « modéré à important » d'inondation, 12 % peuvent être touchées par un feu de forêt. Et huit établissements sont concernés par le risque de montée des eaux ou de submersion marine, dont trois - toutes en Outre-mer, en Nouvelle-Calédonie , en Guyane et à Wallis - risquent de se retrouver « sous le niveau de la mer du fait du dérèglement climatique ».
L'association appelle les pouvoirs publics à « identifier » les prisons les plus vulnérables pour « prioriser leur fermeture, leur réfection ou leur aménagement », adapter et « végétaliser » les bâtiments actuels, malgré les contraintes sécuritaires et « éviter l'implantation de nouvelles prisons dans des zones submersibles à l'horizon 2100 ».
« Il y a certaines prisons en France qui cumulent les risques, explique Chloé Lailler de l'ONG Notre Affaire. Certaines auront des facteurs aggravants, comme la prison pour mineurs de la Valentine, à Marseille, qui est concernée par le risque canicule, mais aussi de feux de forêt, puisqu'elle est localisée à côté d'une zone naturelle. C'est à côté d'une voie ferrée, le tout avec un public mineur, ce qui peut avoir un impact particulier sur eux. »
Dans une déclaration transmise à l'AFP, l'administration pénitentiaire a assuré qu'elle avait « lancé un projet » visant à « identifier » les effets du changement climatique et les « besoins et moyens possibles d'adaptation » des prisons.
Le recours à des solutions anti-canicule « classiques », telles la ventilation ou des dispositifs de protection solaire, est nécessairement limité en prison par les contraintes de sécurité. Toutefois, « les nouveaux programmes de construction intègrent les enjeux de lutte contre la chaleur », a-t-elle assuré.
La France déjà condamnée à plusieurs reprises pour l'état de ses prisons
Sept prisons sur dix sont bâties sur des sols pollués. Quatre sur dix sont localisées à proximité d'une voie ferrée, d'un aéroport, ou d'un axe routier important. Autant de nuisances sonores ou de sources de pollution de l'air.
Ces risques sur le plan environnemental s'ajoutent à des prisons surpeuplées et en mauvais état. Quelque 77 880 personnes sont détenues en France au 1er juin 2024 portant la densité carcérale à 126,2 % dans le pays, selon les chiffres du ministère de la Justice. La France a deja été condamnée à plusieurs reprises sur l’état de ses prisons et ses conséquences sur la dignité des détenus et leur condition physique et mentale.







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